Devant qui la Femme peut-elle Retirer son Voile?

Devant qui la femme a-t-elle le droit de retirer son voile. Cette question est épineuse pour les converties à l’Islam qui ont de la famille non musulmane. Puis-je concidérer le conjoint de fait (fiancé sans papier) de ma mère comme son époux légitime donc comme étant mon beau père ? si oui, ai-je la permission de retirer mon voile devant lui?
La femme de mon père (marié civilement) n’est pas musulmane; ai-je le droit d’enlever mon voile devant elle ? Le verset 31 de la Sourate « An Noûr » mentionne que la femme a le droit de retirer son voile devant ses frères, son père, sa mère etc… Cette règle est-elle valable s’ils ne sont pas musulmans?

Par ce souci de clarté, je commencerai par reproduire une partie du Verset 31 de la Sourate 24:
« Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile sur leurs poitrines; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes … « 

Comme l’exégèse complète de ce verset est extrêmement longue, c’est la raison pour laquelle je me concentrerai uniquement sur le point qui est directement en rapport avec le problème que vous évoquez.

Une des règles générales que les savants ont établi à partir de ce passage est la suivante:
La femme n’est pas tenue de porter le voile en présence de toute personne qui est un « Mahram » pour elle.
Dans le vocabulaire islamique, le terme « Mahram » désigne tous les hommes de sa proche famille qu’une femme n’a pas le droit d’épouser, tels que son père, ses grands pères (paternels et maternels), ses fils, ses petits fils, son beau père (père de son mari), ses neveux (du côté de ses frères ou de ses sœurs)…

La question qui se pose maintenant est de savoir est-ce que la différence de religion a une influence sur le statut du « Mahram » ?

D’après l’Imâm Ahmad Ibné Hambal r.a., un père non musulman ne peut être considéré comme un « Mahram » pour sa fille musulmane. Cependant, Ibné Qoudâmah r.a., très célèbre savant hambalite (qui est également celui qui rapporte ces propos de l’Imâm Ahmad r.a.) affirme que « cette règle est en rapport avec le voyage (c’est à dire qu’une fille musulmane ne peut effectuer de long voyage avec son père non musulman, s’il n’y a aucun autre « Mahram » avec elle). Pour ce qui est du voile, une fille musulmane n’est pas obligée de le porter devant son père non musulman. » (« Al Moughni » – Volume 7). Pour appuyer ses dires, il rappelle le Hadith qui relate que lorsqu’Abou Soufyâne vint à Madinah (il n’était alors pas encore musulman) pour rencontrer sa fille, Oummé Habîbah (radhia Allâhou anha), épouse du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), celle-ci n’a pas porté le voile en sa présence et le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ne lui a pas demandé de le faire non plus.
En ce qui concerne les autres membres proches de la famille (oncles…), je ne connais pas avec exactitude quelle est la position des savants à ce sujet.

Pour l’école hanafite, la différence de religion n’a pas d’influence sur le statut du « Mahram ». Ainsi, les savants de l’école hanafite affirment qu’une femme musulmane a le droit de voyager avec un homme qui est son « Mahram », même si celui-ci n’est pas musulman. (Réf: « Fatâwa Hindiyah » Volume 2 / Page 44)

A partir de là, on peut donc essayer de répondre aux différentes questions que vous avez soulevé:
Le conjoint de votre mère (qui n’est pas marié avec elle) n’est pas un « Mahram » pour vous. Donc vous devrez garder votre voile en sa présence.
Pour ce qui est des oncles (frères du père ou de la mère), d’après l’école hanafite, ils sont considérés comme étant des « Mahârim », c’est pourquoi, il n’est pas nécessaire à la musulmane de porter le voile en leur présence, même s’ils ne sont pas musulmans.
Pour ce qui est maintenant de savoir s’il est nécessaire de porter le voile devant les femmes non musulmanes, il y a en vérité des divergences entre les savants des différentes écoles juridiques à ce sujet. Ces divergences proviennent justement d’interprétations différentes qui ont été données à l’expression « (qu’elles ne montrent leurs atours qu’) aux femmes musulmanes » cité dans le verset de la Sourate « An Noûr ».
L’Imâm Râzi r.a., auteur d’une très célèbre exégèse du Qour’aane, connue sous le nom de « At Tafsir oul Kabîr », mentionne dans son ouvrage qu’une grande partie des savants parmi les pieux prédécesseurs étaient d’avis, en raison de ce verset, que la femme musulmane ne devrait pas découvrir leurs atours en présence de femmes non musulmanes. Mais il rappelle immédiatement après que cet avis ne constitue pas une interdiction formelle. Il s’agit plutôt d’un conseil recommandant à la femme la meilleure tenue par rapport aux non musulmanes. Pour ce qui est de la règle juridique en elle même: Il n’y a aucune différence en ce qui concerne le voile entre une femme musulmane et une femme non musulmane.
Cette opinion de l’Imâm Râzi r.a. est confirmée par d’autres éminents commentateurs du Qour’aane, tels que Abou Bakr Ibné Arabi Al Mâliki r.a. (« Ahkâmoul Qour’aane » Volume 3 / Page 1359-1360) et Allâmah Âloûsi Baghdâdi r.a. (« Roûhoul Ma’âni » Volume 18 / Page 143). Cet avis est également rapporté de l’Imâm Ahmad Ibné Hambal r.a. (« Al Moughni » Volume 6 / Page 562-563), et d’après ce qu’écrit l’Imâm Râzi r.a., il s’agirait également de la position de l’école châféite.
Comme cette opinion est celle qui convient également le mieux aux conditions actuelles, c’est la raison pour laquelle de nombreux savants contemporains l’ont adopté et affirment ainsi que la femme musulmane n’est effectivement pas obligée de porter le voile devant des femmes non musulmanes. (Ceux et celles qui connaissent l’arabe peuvent consulter l’excellente étude qui a été réalisée à ce sujet par le Dr Abdoul Karîm Zaydân dans son ouvrage « Al Moufassal fî Ahkâmil Mar’ah » Volume 3 / Pages 257-265).
Cela signifie donc que vous n’êtes pas obligée de porter le voile ni devant la femme de votre père, ni même devant vos tantes (sœurs de votre père ou de votre mère).
Il reste cependant un doute concernant le texte du verset: Pourquoi est-ce qu’il y est précisé que les femmes ne doivent montrer leurs atours qu' »aux femmes musulmanes » si la différence de religion n’a aucune importance et ne change en rien la règle citée ?
A vrai dire, la traduction « femmes musulmanes » ne correspond pas exactement avec ce qui est dit dans le verset: Le terme arabe qui y est employé est « Nisâ’ ihinna » qui signifie littéralement « leurs femmes ». Une grande partie des exégètes ont interprété l’expression « leurs femmes » par « les femmes musulmanes », d’où la traduction française que nous avons. Mais selon l’illustre commentateur du Qour’aane, Abou Bakr ibné Arabi r.a. (de l’école mâlékite), le pronom personnel qui est présent dans le terme « Nisâ’ ihinna » (le pronom lui-même est « hinna ») a été simplement adjoint pour respecter l’harmonie avec les nombreux autres cités dans le verset. Cet emploi du pronom en langue arabe est connu sous l’appellation de « Itba' ». Cheikh Abou Bakr r.a. qualifie ce verset comme étant celui des « Dhamâïr » (pronoms), car il en contient pas moins de 15, ce qui est unique dans le Qour’aane. (Réf: « Ahkâmoul Qour’aane » : Volume 3 / Pages 1359-1360)
Ce qui signifie donc que, d’après cette interprétation (qui est celle retenue par l’Imâm Râzi r.a. et l’Imâm Ahmad Ibné Hambal r.a.), l’ajout du pronom personnel « hinna » (leurs) avec le terme « Nisâ’i' » (femmes) n’a pas pour but d’exclure les femmes qui ne sont pas musulmanes, même si cela peut paraître ainsi dans la traduction française.

Wa Allâhou A’lam !
Dieu est Plus Savant !

Source : Sheikh Muhammad Patel

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